Villes en parallèle. Forme urbaine ! ... Formes urbaines ?
Philippe Genestier. 

Scene 1

Forme urbaine ! ... Formes urbaines ?
Philippe Genestier

Résumé
La réémergence des préoccupations formelles dans le discours et dans les réalisations urbanistiques pose le problème de la
définition de la notion même de forme ainsi que celui des processus de sa production et de ses composantes. Ainsi, entre
l'évocation des formes urbaines objets d'analyse ou de la forme urbaine objectif du projet, entre celle des formes dans la ville ou
des formes de la ville, il existe une telle indécision conceptuelle que la connaissance de la ville autant que son aménagement
semblent en situation de fragilité.

Abstract
The reemergence of definite preoccupations in the urbanistic debate and realisations poses the problem of the very definition of
the notion of form as well as that of the processes of its production and its components. Therefore, between the evocation of
urban forms as objects of analysis or urban form as the aim of a project, between that of forms in the town or the forms of the
town, there exists such conceptual indecision that the knowledge of the town as much as its planning seem to be in a delicate
situation.

Genestier Philippe. Forme urbaine ! ... Formes urbaines ?. In: Villes en parallèle, n°12-13, novembre 1988. Formes urbaines.

doi : https://doi.org/10.3406/vilpa.1988.1555

https://www.persee.fr/doc/vilpa_0242-2794_1988_num_12_1_1555

VILLES EN PARALLELE / n° 12-13 / 1988. FORME URBAINE ! ... FORMES URBAINES ?. 

Scene 2

Philippe 
GEN EST 1ER 
Urbaniite de l'Etat. 
Ecole Nationale du Pont» et Chauffée*.

Laboratoire de Otographie Urbaine, 
Univeniti de Pari» X.

La réémergence des préoccupations formelles dans le discours et

dans les réalisations urbanistiques pose le problème de la définition de la 
notion même de forme ainsi que celui des processus de sa production et de 
ses composantes. Ainsi, entre l'évocation des formes urbaines objets 
d'analyse ou de la forme urbaine objectif du projet, entre celle des formes 
dans la ville ou des formes de la ville, il existe une telle indécision 
conceptuelle que la connaissance de la ville autant que son aménagement 
semblent en situation de fragilité.

The reemergence of definite preoccupations in the urbanistic debate

and realisations poses the problem of the very definition of the notion of form 
as well as that of the processes of its production and its components. 
Therefore, between the evocation of urban forms as objects of analysis or 
urban form as the aim of a project, between that of forms in the town or the 
forms of the town, there exists such conceptual indecision that the knowledge 
of the town as much as its planning seem to be in a delicate situation.

* Les résumés sont, pour la plupart, de la rédaction.

FORME URBAINE ! ... FORMES URBAINES ?. Philippe GENESTIER*. 

Scene 3

■ Dans le discours, dans le projet, dans les réalisations de l'urbanisme 
actuel, le formalisme a fait retour. La "déviationniste" question de la forme, un 
temps évacuée sous l'influence des critiques matérialistes-dialectiques qui 
l'assimilaient à un simple reflet ou produit superstructurel, réapparaît dans le 
champ de la réflexion et de l'action sur l'espace.

Les études typo-morphologiques et les monographies d'histoire urbaine

se sont développées depuis les années 70. Elles témoignent tout à la fois de 
la crise des modèles théoriques antérieurs qui ont privilégié la fonction puis la 
structure, et des oppositions du public aux produits urbains proposés par la 
société industrielle, elle-même en crise tant économique qu'identitaire.

Crise du système productif, crise de légitimité sociale, crise des

systèmes conceptuels... Le champ de la production urbanistique s'oblige à 
une redéfinition de ses bases. Les critiques structurales de L. ALTHUSSER et

de M. FOUCAULT ont d'abord ébranlé la vision économique - et donc 
fonctionnaliste - de la ville. Puis s'est effectué un rabattement vers la

matérialité des formes sensibles aux irréductibles spécificités. L'approche 
historique, l'analyse et la description constituent actuellement la démarche 
conceptuelle légitime dans un monde théoriquement désenchanté, dans 
lequel le désir de vision spéculative a été refoulé par le principe de réalité, 
c'est-à-dire par le besoin de reformuler des outils pragmatiques de production 
de l'espace urbain. Ce recentrage - ou cette déclination - de la problématique 
est une quête de modèles opératoires que seule l'histoire semble en mesure 
d'apporter.

* Urbaniste de l'Etat, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et Laboratoire de Géographie 
Urbaine, Université de Paris X.

Après les projets d'aménagement progressistes et/ou fonctionnalistes. 

Scene 4

Après les projets d'aménagement progressistes et/ou fonctionnalistes

qui s'épanouirent de la deuxième à la sixième décennie de notre siècle, 
après les jeux complexes de trames ou les mégastructures futuristes 
d'inspiration systématique des années 70, l'heure est aux références, aux 
citations d'un passé soit savant (ordonnances classiques ou baroques, 
régularisme haussmannien, plasticisme néo-moderne), soit vernaculaire 
(pittoresque médiéval ou villageois).

...Une indécision donc quant aux modèles formels à adopter, qui se

double d'une culpabilité propre aux architectes qui croient avoir perdu leur 
âme au cours d'un passé récent en négligeant la forme au profit de la fonction

; alors que leur fonctionnalisme était en fait tant une éthique qu' une 
esthétique dénégative. La mise en accusation sociale de la production 
urbaine de l'après-guerre venant se conjuguer aux indécisions et aux 
culpabilités propres aux membres du champ architectural et urbanistique, 
impose la projection sur le devant de la scène de la question de la mise en 
forme de l'espace.

Si les préoccupations de composition architecturale et urbaine

redeviennent prioritaires (tout au moins dans le discours argumentaire du 
projet), on peut toutefois douter qu'elles témoignent de l'existence d'un

Kunstwollen propre à notre époque. Il s'agit là, pour reprendre les termes de 
P. CHEMETOV ' de "décors de ville plantés pour cacher des urbanisations".

En effet, la notion de composition urbaine renaît de ses cendres2, mais elle

semble n'avoir qu'un statut de supplément d'âme apposé sur la production. 
Ces préoccupations de formes s'apparentent beaucoup plus à l'activité 
décorative évoquée par BLONDEL qu'à la Voluptas albertienne (désir et 
plaisir de l'œuvre construite) consubstantielle à l'urbain. Les recherches et 
tentatives actuelles amènent la réalisation d'ordonnances (simples ou 
complexes), dont il faudrait mesurer le degré d'acceptation sociale, de validité 
culturelle et de valorisation commerciale.

La forme urbaine est donc d'actualité et le discours d'aménagement est

plein de ce terme4, mais la notion elle-même se décompose en plusieurs 
acceptions sensiblement différentes bien qu'également floues.

1. - Le terme "formes urbaines", au pluriel, désigne les conformations

spatiales de la ville, dont l'analyse morphologique a dégagé les éléments

(parcelle, immeuble, îlot, rue, place, ...) et leur système d'articulation selon 
des dispositions et des rapports, régulés par le mode de production 
spécifique à son contexte social et historique.

2. -
Le terme "forme urbaine" au singulier recouvre une image 
syncrétique de la ville historique européenne (c'est-à-dire, selon les auteurs,

soit pré-moderne-contemporaine, soit pré-industrielle). Cette image a une 
valeur culturelle et sociale dans sa lisibilité par tous et chacun ; elle est un

acquis civilisationnel, et même pour certains un imago de l'inconscient 
collectif5.

3. - Le terme "forme urbaine" utilisé par H. LEFEBVRE dans le Droit à la. 

Scene 5

3. - Le terme "forme urbaine" utilisé par H. LEFEBVRE dans le Droit à la

ville puis dans la Production de l'Espace est caractérisé par "la rencontre, le

rassemblement, la simultanéité" ; il ne se conçoit pas sans contenu, pas sans 
confrontation de la forme à la structure et à la fonction. Se basant sur la

polysémie du terme forme, H. LEFEBVRE relativise la spécificité de la forme 
contour, enveloppe (Forma, Form). Ainsi, pour cet auteur, la forme urbaine est 
surtout la catégorie, ou le genre urbain de la vie sociale.

4. - Le terme "forme urbaine" que l'on trouve dans les travaux de la

morphologie sociale désigne essentiellement un contenu, une modalité de 
vie et d'organisation sociétales. Il s'agit d'un type de structuration des 
rapports sociaux et de cristallisation des rapports à l'espace. Ce terme ne

recouvre pas la matérialité spatiale et ses configurations, mais au contraire 
les modalités d'insertion des groupes dans l'espace.

- La première acception du terme est une notion, une catégorisation du réel et 
une thématique analytique. Elle est utilisée dans une demande cognitive et 
réflexive dont la finalité est de définir les ensembles de règles génératives de 
l'espace urbain. L'analyse morphologique est utilisée principalement par les 
architectes depuis un quart de siècle avec l'objectif de constituer un précis -
un atlas - de formes urbaines, répertoires (ou vade mecum) du projet urbain. 
Cette échelle d'analyse n'est pas aujourd'hui (n'est plus, et quand elle fut, la 
démarche était principalement comparative et la méthode quantitative)

utilisée par la géographie urbaine6, qui centre son intérêt sur les mécanismes

économico-démographiques de croissance ou d'évolution urbaines, les 
modes de fonctionnement social et les processus de spécification zonale 
ainsi que sur les plans de ville dont elle établit une typologie. Cependant 
l'analyse structurale des paysages urbains, définissant les éléments -
morphèmes et syntagmes - de la matérialité de la ville et discernant les 
rapports syntagmatiques et les règles syntaxiques, qui donnent à ces 
éléments in praesentia valeur, sens et fonction dans le tout paysager, est 
inachevée.

- La seconde acception du terme est un slogan et un schéma idéel et idéal 
qui se veulent opératoires dans le travail militant contre la modernité 
survivante et contre le mode d'urbanisation par lotissements pavillonnaires 
qui domine le marché aujourd'hui. Le fonctionnalisme moderne tout comme 
l'individualisme péri-urbain sont ressentis comme des abandons des valeurs 
fondamentales de la ville - et comme des dépossessions de pouvoir ou 
d'influence des architectes et urbanistes. Ce slogan cristallise en un tout, plus 
phénoménologique et gestaltiste que réel, une volonté de pertinence socio¬ 
culturelle appuyée sur un refus de l'originalité, de l'innovation et du 
contemporain7. Ce terme se veut concept. Il est bâti sur l'existence d'une

mémoire culturelle qui organise une image a priori (schème ou figure ?) du 
paysage urbain qui se compose, in absentia, de rapports et d'un répertoire 
paradigmatique de "conventions", dont le non-respect détruirait l'intelligibilité 
de l'espace urbain.

Au pluriel ou au singulier, l'attention portée à la morphologie relève

d'une même conception historiciste, dont l'existence même marque la rupture 
avec l'épistémè hygiéniste-industrialiste des agents en charge de l'urbanisme 
depuis la seconde moitié du 19ème siècle.

- La troisième et la quatrième acceptions, quant à elles, comportent un refus 
de considérer la spatialité dans sa spécificité physique.

■ LA MATIERE, LA FORME ET LE SENS. Que l'on retienne la première ou bien la seconde acception du terme, il. 

Scene 6

Que l'on retienne la première ou bien la seconde acception du terme, il

convient d'apporter quelques éléments permettant de cerner les implications 
des formes urbaines elles-mêmes, et donc de distinguer les diverses 
dimensions des formes.

Distinguons d'abord la forme-matérialité de la forme-contenu :

La forme-matérialité (enveloppe, volume, aire, contour, ...) correspond à

une organisation de la substance dont on peut affirmer l'infinie variété. La 
forme est une modalité d'existence de la matière. Cependant, dans le

processus de production de la matière urbaine, s'appliquent des principes 
structurels qui permettent, au-delà de la diversité, de définir des types 
correspondant à leurs règles d'engèndrement. Une classification-analyse des

formes physiques de la ville est donc possible, entamée, et à poursuivre, elle 
ne peut cependant pas s'effectuer sans la mise en évidence de ses structures 
et fonctions.

Nous passons alors à la forme-contenu, c'est-à-dire aux dimensions

culturelles, soit communicationnelles (formes-signes8, formes-schèmes,

formes-œuvres, formes-symboles, formes-significations...), soit empiriques 
(formes-pratiques, formes-machines, ... facteurs et cadres de la production, et 
de la reproduction de la force de travail).

Entre les formes-valeur d'usage et les formes-valeur d'échange, entre

les formes-matérialité pure et les formes-medium d'intelligibilité du sensible,

la problématique de leur étude en essence est extrêmement complexe, car 
elle implique de penser en même temps l'abstrait et le matériel, le physique et

le conceptuel, inexorablement intriqués.

Une réflexion plus empirique sur la forme urbaine à la fois en tant que

notion-objet de connaissance et concept opératoire de production de 
l'espace pose aujourd'hui quelques questions :

- affirmer que l'espace est un reflet du social et s'en tenir à cette vision

implique sa négation en tant qu'objet problématique.

- poser que l'espace est un produit, une résultante dialectique, implique

une dévalorisation de fait de la forme en tant qu'objet d'observation ; de ce 
fait l'intérêt se centre sur les forces et les contradictions qui en déterminent la 
production.

De tels primats amènent à développer cet axiome simple : le social

produisant l'espace, ce dernier est mécaniquement adéquat au social, c'est-
à-dire automatiquement et directement adapté au mode de production. Si ce

n'est plus le cas, les mouvements socio-économiques le reformulent, et si des 
inadéquations apparaissent et persistent, elles ne sont que la traduction dans 
l'inertie du cadre spatial, soit des conflits d'intérêts entre classes, soit des 
contradictions internes du système dominant.

Cependant la globalité de telles affirmations d'une part, évacue

l'histoire, c'est-à-dire les inerties et les ruptures et d'autre part, fait table rase 
des spécificités socio-culturelles et de la pluridimensionnalité9 de la vie 
sociale.

L'exemple des grands ensembles peut être sur ce point éclairant.. 

Scene 7

L'exemple des grands ensembles peut être sur ce point éclairant.

Produits ou reflets de la société industrielle de l'après-guerre, ils sont 
adéquats au procès de mobilisation ségrégative de la main-d'œuvre près des 
bassins d'emplois industriels. Cependant n'ont-ils jamais été appropriés à la 
population de leurs résidents qui sont tout autant habitants que producteurs, 
sujets individuels et collectifs autant qu'agents économiques ?

En tant que formes urbaines, les grands ensembles sont aujourd'hui

désavoués par les décideurs de l'aménagement, après que les résidents 
aient exprimé leur opinion par leur déménagement. Le taux de dégradation 
des immeubles, le taux de loyers impayés sont les effets auxquels on peut 
mesurer la non-intégration sociale des classes défavorisées qui les occupent.

Les classes moyennes, en quittant les grands ensembles pour le

logement individuel péri-urbain, témoignent d'une distorsion entre les 
exigences pratiques de l'habiter et le potentiel habitable de ces logements. 
Les classes défavorisées attestent par la dégradation, précédant ou suivant la

réhabilitation, l'inadaptation de leurs conditions de résidence tout autant que 
leur inaccession aux modèles de consommation.

Ces mouvements sociaux amènent à une conclusion assez ambivalente

: d'une part, la forme urbaine, par sa connotation sociale et son potentiel 
d'appropriation, constitue un facteur non négligeable de la condition de vie 
de ses habitants, d'autre part, l'échec patent des actions de réhabilitation des 
grands ensembles (si nous exceptons les cas de réinvestissement 
d'immeubles, que la localisation urbaine favorable rend désirables aux 
classes moyennes après réhabilitation) indique la ténuité du facteur spatial 
dans les déterminations que subissent les groupes sociaux.

Ne peut-on alors penser que s'il n'y a pas d'effet positif de l'espace sur

le social et que si la spatialité ne constitue pas un déterminant, elle peut 
représenter un facteur négatif imposant un carcan qui brime les pratiques et 
contrecarre la création de réseaux de sociabilité, réseaux dont la sociologie 
et l'ethnologie urbaines ont montré l'importance pour les groupes dominés. 
Une conformation spatiale et la limitation de ses usages possibles, entraînent 
des dommages et accroissent les difficultés de ceux que leur absence de 
moyens immobilise et fixe dans un cadre dont les pesanteurs sont d'autant 
plus fortes qu'elles ne sont ni choisies ni dépassables.

Les réflexions et expérimentations menées par les architectes et les

urbanistes sur les formes urbaines ne s'attachent qu'à la dimension 
communicationnelle de la forme. Ainsi, sous l'influence de K. LYNCH10, la

forme urbaine est conçue comme moyen de repérage ; sous celle de 
l'anthropologie structurale, elle est pensée comme système symbolique, la 
psychologie amène à la penser comme cadre environnemental et ensemble 
de stimuli. Le postmodernisme théorique, celui qui légitime socialement son 
retour à l'ornementation et au formalisme, base son action sur l'utilisation de

"formes paradigmatiques ou archétypiques de notre culture". Ces formes 
architecturales et urbanistiques sont dégagées et retenues pour leur capacité 
de résonance et leur potentiel sémantique auprès de leur spectateur. Les 
figures postmodernes de la ville se présentent et s'offrent à la perception

nonchalante, à la déambulation frivole ou savante dans le magasin (la poubelle aurait dit LE CORBUSIER) des formes de l'histoire.. 

Scene 8

nonchalante, à la déambulation frivole ou savante dans le magasin (la 
poubelle aurait dit LE CORBUSIER) des formes de l'histoire.

Si la question de l'inscription mémorielle a son importance - les formes

permettent que l'on s'y retrouve (s'oriente) et que l'on s'y reconnaisse 
(s'identifie) - les analyses en terme d'usages semblent beaucoup moins 
développées. Regarder les formes urbaines en fonction des pratiques et de 
leur système axiologique, les étudier en tant qu'espace d'appropriation et de

mutation-adaptabilité, revient à remettre en cause le mode de production 
actuel de la ville.

■ LA FORME ET LES MODALITES DE LA PRODUCTION DU 
BATI URBAIN

Dans un article récent de la revue Urbanisme , G. RITCHOT1 1 insiste sur

les dimensions tant juridiques que pragmatiques de la propriété. Cependant, 
les procédures opérationnelles de l'aménagement ainsi que les techniques 
de production du bâti entraînent une disparition du découpage du sol urbain 
et une homogénéisation statutaire de l'espace du fait d'une maîtrise publique 
du foncier et du bâti. Les Z.A.C. d'aujourd'hui naviguent entre un esthétisme 
historicisant qui impose un alignement sur rue, un épannelage limité, des 
registres de composition des façades assurant l'intégration urbaine, et un 
fonctionnalisme hygiéniste qui prescrit en intérieur d'îlot un plafond de 
densité, un strict respect des prospects et le rejet de toute activité sous 
couvert de risques de nuisances. On aboutit alors à l'urbain des années 80 : 
un espace public devant l'immeuble, un espace semi-public en intérieur d'îlot, 
confinant les pratiques privatives au seul logement.

Dans ce contexte, le prolongement de la forme urbaine historique ne

permet que de produire de l'image d'urbanité sans qu'il y ait cette épaisseur 
physique de l'îlot à laquelle correspond cette densité des usages, cette

multiplicité fonctionnelle et sémantique, dans lesquelles H. LEFEBVRE 
discerne l'essence de la ville.

Les exemples récents de restauration de la forme urbaine à Berlin ou

dans certaines Z.A.C. françaises (Drancy, Crète il,...) expriment fortement une 
volonté de reconstitution d'îlot, qui s'effectue par la constitution d'entités 
urbaines beaucoup plus petites que dans le tissu urbain des faubourgs du 
19ème siècle - tissu lui-même en train d'être rénové ou "cureté", alors qu'il 
correspond rigoureusement à l'idéal de mixité des recherches urbanistiques 
en cours. Mais les opérations actuelles sont marquées par le remembrement 
et l'application de régimes de propriété (propriété institutionnelle et publique

ou copropriété), qui limitent les initiatives appropriatrices et qui expriment le 
problème de la vacuité des cœurs d'îlot. Dans cette démarche se manifestent

les incertitudes, ou même les apories, auxquelles on se trouve confronté en 
appliquant une forme, alors que les déterminants structurels n'opèrent plus.

Suite à cette tentative de définition et d'analyse des implications des

formes urbaines, il reste que l'actualité discursive de ce terme pose et

appelle, de par son existence même, diverses interrogations ; certaines à contenu plus empirique, d'autres à résonances plus spéculatives.. 

Scene 9

appelle, de par son existence même, diverses interrogations ; certaines à 
contenu plus empirique, d'autres à résonances plus spéculatives.

-
L'histoire est-elle la seule source d'idées socialement justes et 
compréhensibles ? L'innovation télématique et la délocalisation de la 
production et des groupes sociaux, que certains perçoivent à l'œuvre 
aujourd'hui, bouleversent-elles le contenu sémantique des formes dans 
l'espace ; ou bien est-ce le rapport môme à l'espace qui, étant transformé, 
a pour effet de modifier le sens des objets s'y trouvant ? La banalisation 
des formes modernes et l'accoutumance du regard porté sur elles ont-elles 
fait advenir une reformulation du schème culturel urbain lui-même ?

-
La forme, ou conformation, est-elle une instance du réel dont la valeur 
sociale est suffisamment pertinente pour lui accorder un rôle dans l'action 
d'aménagement ? Autrement dit, l'attention portée aux formes par les 
architectes est-elle une auto-mythification, ou bien est-ce le désintérêt des 
géographes pour les configurations de l'espace urbain concret qui 
témoigne d'un positivisme socio-économique et d'un déterminisme 
finalement fonctionnaliste ?

-
Existe-t-il pour la ville, identiquement à ce qui a été montré pour l'habitat 
par les travaux de l'Institut de Sociologie Urbaine, des modèles culturels 
transclassiques et stables, qui organiseraient les utilisations et les

significations de l'espace urbain, et dont on pourrait faire l'analyse et 
cerner les grandes lignes dans un système d'oppositions de statuts et

-
Sur la base des acquis des analyses typo-morphologiques et de 
l'explicitation d'éventuels modèles culturels urbains, peut-on procéder à 
une systématisation visant à la définition de règles d'organisation de 
l'espace de la ville, c'est-à-dire à la constitution d'un art urbain actuel ?

-
L'industrialisation de la production du bâti, le contrôle public ou mixte des 
opérations d'aménagement, le régime juridique de l'espace urbain 
(copropriété ou propriété publique) bouleversent-ils le contexte productif,

au point d'entraîner une rupture historique consommée, une impossibilité 
et incapacité de s'inscrire dans le continuum urbain ?

■ LES FORMES DE L'AVENIR, L'AVENIR DES FORMES

Les préoccupations de formes de l'urbanisme actuel ressortissent-elles

du formalisme ? La démarche de composition ne ressemble-t-elle pas à celle 
de cet artiste, évoqué par B. BRECHT, qui décore méticuleusement sa cabine 
alors que le navire fait eau de toutes parts et sombre. Car après tout, le

combat pour l'urbanité que mène actuellement la fraction majoritaire de 
l'intelligentsia de l'architecture n'est peut-être qu'une attitude don

quichottienne, un sursaut désespéré et une volonté de croire, au-delà de

toute raison, qu'il est possible d'aller à rencontre des processus d'extrême 
division du travail, d'atomisation du social et de mercantilisation des

interactions humaines, dont on ne voit pas pourquoi ils épargneraient 
l'espace. Le lieu, le territoire, coulent sur ce versant du secret et de l'intimité 
décrit par J. HABERMAS ; l'expression du collectif, "de l'ordre lointain"*! 2 
s'étant délocalisée, la forme urbaine ne peut avoir d'autres valeurs que 
consommatoires.

Les formes urbaines peuvent-elles constituer autre chose qu'un. 

Scene 10

Les formes urbaines peuvent-elles constituer autre chose qu'un

marquage signalétique et ludique de l'espace ? La ville se résumerait-elle à 
cette mise en scène et en lumière dont Las Vegas préfigure la réalisation ?

Les formes urbaines, en tant qu'objet de connaissance, ont été

appréhendées analytiquement par des architectes se faisant historiens de

l'espace de la ville. 
Elles ont été délaissées au profit de leurs conditions de production 
étudiées par la géographie urbaine dans une approche plus compréhensive

et explicative. Ces parcours laissent cependant subsister une interrogation 
opératoire sur les formes et leur valeur dans l'expérience et le vécu de la 
condition urbaine actuelle.

2. 
Tout comme la problématique, considérée récemment encore comme obsolète, du génie urbain qui 
se refait actuellement une virginité en bénéficiant de rengouement pour les réseaux.

3. 
li ne faut pas confondre géométrisme compositionnel et préoccupations de formes. Un schéma 
géométrique n'est pertinent que s'il correspond à un système pratico-symbolique qui Ta investi et lui 
dorme sa valeur.

4. 
La circulaire "Projet de Quartier" du 27.7.1984 ne pose-t-elle pas la composition urbaine comme un 
des tous premiers objectifs (et non moyens) de l'aménagement urbain ?

5. 
A condition que celui-ci puisse être produit dans le mouvement lent de la tectonique des plaques 
historiques.

6. 
Hormis cependant les travaux de M.-J. BERTRAND dans L'architecture de Phabitat urbain.

7. 
Tendance dont la revue Archives d'Architecture Moderne est le principal diffuseur.

8. 
Cette pluridimensionnalité que H. MARCUSE voit menacée par le système économico-culturel 
actuel, et dont le réductionnisme de l'analyse citée ci-dessus participe.

9. 
Nous reprenons ici la distinction entre les différentes dimensions sémantiques et pratiques de la 
forme, introduite par R. LEDRUT dans son ouvrage La forme èt le sens (cf. la bibliographie) sans 
toutefois nous référer à l'ensemble de la problématique cognitive qui sous-tend cette distinction 
dans r ouvrage.

10. 
L'image de la cité et Voir et planifier, ed. Dunod.

12. H. LEFEBVRE, Le (toit à la ville, chapitre "La spécificité de la vile".

ALEXANDER Ch., La synthèse de la forme, Paris, Dunod, 1979.

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CASTEX J., DEPAULE J.-C., PANERAI Ph ..... Formes urbaines, de ITIot à la barre, Paris,. 

Scene 11

CASTEX J., DEPAULE J.-C., PANERAI Ph ..... 
Formes urbaines, de ITIot à la barre, Paris,

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Forme urbaine ! ... Formes urbaines ?

Scene 1 (0s)

Scene 2 (45s)

Scene 3 (1m 30s)

Scene 4 (2m 31s)

Scene 5 (3m 48s)

Scene 6 (5m 5s)

Scene 7 (6m 22s)

Scene 8 (8m 1s)

Scene 9 (9m 12s)

Scene 10 (10m 50s)

Scene 11 (12m 1s)